La mâchoire serrée, Avalon pouvait sentir son cœur s'affoler dans sa poitrine qui se gonflait au fur et à mesure qu'elle respirait. Elle demeura silencieuse un moment. Non pas parce qu'elle n'avait rien à dire, mais plutôt parce qu'elle craignait de perdre le contrôle, sentant ses yeux s'humidifier face à cet homme qu'elle n'avait pas vu depuis un peu plus de deux mois. Elle ne voulait pas avoir la voix tremblante, pas devant lui. Elle désirait s'affirmer, lui prouver qu'il n'avait aucun droit sur elle, qu'elle n'était pas sa propriété. La haine incommensurable qu'elle lui portait terrassait tout autre sentiment et ses larmes naissantes n'étaient rien d'autre que le fruit de cette rage qui grandissait en elle à la simple vue de ce sourire narquois et suffisant. Ava détourna le regard un instant. Suffisamment longtemps pour réussir à ne pas se donner en spectacle. Elle n'avait pas l'intention de lui faire ce cadeau. Son honneur et sa fierté sauvés, elle toisa Benjen de son regard le plus sombre et le plus amer. « Rentrer ? » Un ricanement lui échappa. S'il croyait pouvoir la ramener à Los Angeles, c'était sans aucun doute car il se surestimait un peu trop. Jamais elle ne rentrerait avec un homme pareil et jamais plus elle ne céderait aux caprices de son père en y laissant des plumes. Avalon était un oiseau rare au chant brisé, enfermé dans une cage aux barreaux rouillés par l'usure, recouverte d'une fine couche de peinture dorée masquant les dégâts d'un passé qu'elle souhaitait oublier. Toute sa vie, elle avait espéré déployer ses ailes pour prendre son envol vers l'indépendance, mais la culpabilité de décevoir un père qui l'avait élevé malgré l'abandon d'une mère absente l'avait toujours empêché de le faire. Toutefois, l'union avec cet être abjecte représentait l'ultime affront, la goutte de trop. Elle ne pouvait supporter l'idée de passer le reste de ses jours au bras d'un homme qu'elle n'aimait pas et pire, qu'elle méprisait par dessus-tout. Alors, elle avait fui. Ne laissant aucune trace, pas même un mot pour expliquer les raisons de son départ précipité. Elle était juste partie, sans remord, ni regret, simplement animée par cette lueur d'espoir qui avait guidé ses pas jusqu'à Neptune, ville de son enfance et surtout, auprès de Gabriella, sa meilleure amie qu'elle n'avait pas vu depuis des années et qui lui avais permis de rencontrer Isaac. Son cœur se serra à cette pensée. Isaac. Comment allait-elle pouvoir lui parler de Benjemin et de cette histoire de mariage arrangé ? Il ne comprendrait pas. Bien trop de questions lui vinrent en tête, mais toutes gravitaient autour de ce motard qui avait fait flancher son cœur. « Comment tu m'as retrouvé ? » Lâcha-t-elle froidement, les sourcils légèrement froncés. Personne de High Neptune n'avait pu en parler à M. Winsor puisque sa fille n'y était pas retournée depuis son retour dans sa ville natale. Elle était restée planqué dans le quartier pauvre, là où les 3/9 ne s'aventuraient jamais. Alors, comment avait-il pu mettre la main sur elle ? Elle soupira, contrariée. Adieu sa liberté. Connaissant Benjen comme elle le connaissait, il était hors-de-question qu'il puisse lâcher l'affaire. Elle savait qu'il ne quitterait pas la ville sans elle ou tout du moins, pas avant qu'elle ne porte son nom. Avalon Oswald. Elle grimaça à cette idée qui lui souleva le cœur. Plutôt mourir. « Tu sais quoi ? Je m'en fous, parce que dans tous les cas, ce fut une perte de temps pour toi. J'suis très bien là où je suis et je ne compte pas bouger. Retourne cirer les pompes de mon père, tu sais rien faire de mieux. » L'atmosphère était glaciale, hostile. Ava priait pour qu'il s'en aille, elle n'avait pas envie de se battre, surtout pas à son boulot, surtout pas avec lui.