Money is the anthem
 of success...
Il prend soin de son corps, fait du sport et mange équilibré. Il croit en l'adage un esprit sain dans un corps sain. Néanmoins, il garde un vice : celui de la cigarette. Il n'a jamais arrêté, n'arrêtera probablement jamais. ≈ Il ne s'est jamais attaché à personne. Vraiment jamais. Il n'a eu aucun ami, pas même lors de son adolescence. Les enfants de l'orphelinat, il les trouvait sans intérêt. Quant aux fils et filles des familles d'accueil, il les a toujours enviés, n'a jamais ressenti d'affection envers eux. Rien qui s'en approche. ≈ Son accent anglais attire l'attention des femmes qui tombent alors sous le charme du british. Cela fait pourtant dix ans qu'il vit aux États-Unis. ≈ Il a un style vestimentaire plutôt polyvalent. Tantôt classe, tantôt décontracté, il est, cependant, toujours bien vêtu et jamais négligé. ≈ En plus de l'anglais, il parle parfaitement le français et comprend l'espagnol. Il n'en baragouine que quelques mots, ceci dit. ≈ Il s'est fiancé à Avalon mais ne l'aime pas. Il n'est pas amoureux d'elle, ne ressent rien pour elle, sinon une attirance tout à fait légitime. En réalité, il vise simplement l'entreprise de son père qui, lorsqu'il partira à la retraite, aura besoin d'épaules responsables pour prendre le relais. ≈ Il est charmant, souriant, et n'a jamais un mot plus haut que l'autre. Il passerait très bien pour quelqu'un de la haute société alors qu'en réalité, c'est un orphelin qui ne connaît rien de ses racines. Il tait ce fait, évidemment, et n'a jamais parlé de son passé à personne. ≈ Il a longtemps souffert de sa situation. Il a l'impression de ne pas être dans le bon monde, né dans la mauvaise époque. Il n'appartient à rien, personne ne l'attend nulle-part ; c'est pourquoi il a tant besoin d'être apprécié des gens qui ont, selon lui, tout. ≈ Il ne veut pas d'enfant. Il pense qu'il ferait un père horrible, et cela viendrait du fait qu'il n'a jamais eu d'exemple. ≈ Il aime le tennis et ne manque jamais un match de Grand Chelem. ≈ Il a l'alcool joyeux. Dès qu'il a un verre de trop dans le nez, il détache ses chemises et sourit beaucoup plus naturellement. Il ne boit jamais, cependant, ou jamais assez pour se détendre de cette façon. Il a horreur de perdre ses moyens ; il contrôle le moindre de ses gestes, cela fait partie du personnage. ≈

...So before we go out, what's your address ?
Arbuste sans racine, qui poussa penché, tordu par les vents contraires. Benjemin Oswald. Un prénom et un nom, seul héritage laissé par des parents dont il ignore tout. Il apprit, plus tard, que son père n'était inscrit sur l'acte de naissance, tandis que sa mère l'avait abandonné au pied d'une église anglicane, trois jours après qu'il a pointé le bout de son nez. "Bienvenue à la maison, Benjen. C'est ton nouveau chez-toi." Ces mots, il les a entendu dix fois, cent fois, mille fois. D'une dizaine de visages différents. Les familles d'accueil, il les a oubliées. Il ne se souvient pas de cette fausse mère qui lui faisait des pancakes le matin. Ne se souvient pas de ce faux frère qui lui prêtait ses jeux de société. Ne se souvient pas du faux père qui lui lisait des histoires. Il a oublié cette fausse sœur qui lui grimpait dessus et lui tirait les cheveux. Oublié cette fausse mère qui le frappait quand il riait trop fort. Oublié ce faux père qui ne remarqua pas même sa présence nouvelle dans l'appartement. Ce qui lui reste de son enfance, de son adolescence, ce sont les murs froids, épurés, d'un vert d'hôpital, ceux de l'orphelinat où il a grandi. Il se souvient des bonnes sœurs et des dimanches forcés à l'église. Ce qui lui reste de son enfance, ce sont ses rêves, ses ambitions. Et il a été happé dans le tourbillon des paradoxes.

Enfant des rues, bâtard sans parents, le garçon aspirait à une vie meilleure. Une vie de faste, de richesse, de luxe. Souvent, quand il regardait la télévision, il s'imaginait être l'un de ces garçons, de ceux qui ont tout. Il a toujours envié les hommes aux sourires ravageurs, aux yeux azurs, et il s'est appliqué à en être un. A treize ans, déjà, il s'entrainait devant la glace. "Je suis Benjen Oswald." Et il tendait la main vers un vis-à-vis imaginaire, important. Il s'est imaginé des rencontres avec la reine, les premiers ministres des pays les plus forts. Il s'est imaginé être un homme à un poste important, comme un chef de chirurgie ou un avocat réputé. Bercé dans ses illusions, il perdit rapidement pied, il perdit le petit garçon qu'il fut. Il devint un adolescent imbu de sa personne, mieux que tous ces orphelins qu'il côtoyait tous les jours, allant jusqu'à oublier qu'il faisait partie intégrante de ce monde-là. A dix-sept ans, il prit son indépendance. Dans son pays natal, il fut stagiaire dans un cabinet d'avocat ; mais il s'ennuya rapidement. Et s'envola pour un pays inconnu.

Le nouveau monde. Il abandonna tout : ses racines inexistantes, ses mauvais souvenirs, le petit garçon sans importance. Il devint Benjen Oswald, jeune homme charmant et ambitieux. Gamin de bonne famille, avec de bonnes manières. En société, on ne s'aperçut pas de la supercherie. Jamais. Puisqu'il se dupait lui-même, il dupait tout le monde autour de lui. A Los Angeles, enfin, la vie lui sourit. Il trouva une place de stagiaire dans une entreprise importante, commença des études de commerce international à cours d'emploi à UCLA ; il les acheva avec brio. C'était un étudiant brillant, qui savait ce qu'il voulait, qui ne perdait jamais ses objectifs de vue. Quand il rencontra Winsor, cet homme réputé et apprécié dans le monde des affaires, il comprit que c'était sa chance. Devenu rapidement le bras droit de cet homme important, il l'a saisie. Elle s'appelait Avalon, se semblait pas sensible à son charme et cela ne fit qu'accentuer ce désir de la faire sienne. En l'ayant à ses côtés, il monterait les échelons finaux, jusqu'à accéder sur la plus haute marche de la société de son père. Et, bientôt, alors qu'il invita la jeune femme à l'accompagner au bord de la plage, il lâcha quelques mots. Les mots. "Écoutez Miss Winsor, je ne suis pas venu chez vous par hasard aujourd'hui. Je sais que cela va vous paraître complètement insensé, mais avec la bénédiction de votre père, j'ai l'honneur et le privilège de vous demander votre main." Un mariage de convenance, comme il en avait toujours rêvé, avec une jeune femme issue d'une bonne famille, du milieu tant désiré. Incapable du moindre sentiment, allergique au moindre épanchement, il ne s'intéressait qu'à son ambition grandissante.

Elle sembla surprise, mais son père termina de la convaincre. La décision fut prise, les fiançailles fêtées. Cependant, Avalon en décida autrement. Sans le moindre signe, elle s'évanouit dans le monde. Elle disparut complètement de la surface de la grande ville. Son père s'inquiéta rapidement, Benjen promit de la retrouver. Après tout, elle allait devenir sa femme. Il engagea un détective privé, lui donna des instructions si claires qu'il la retrouva rapidement ; Neptune, sa ville natale. Il s'y rendit sans attendre, bien décidé à la ramener chez eux. A en faire sa femme. A hériter de l'entreprise familiale.

"Tu t'es bien amusée, on peut rentrer maintenant ?"